Pour éviter les maladies, dépistage ou prévention ?

novembre 11, 2015 0

L’effet principal du dépistage n’est-il que de rendre malades des hommes qui sont en bonne santé ? Ne court-on pas le risque de découvrir des problèmes… qui ne nous affecteraient probablement jamais. Tout cela n’est-il pas, au fond, qu’un facteur d’angoisse supplémentaire pour alimenter la clientèle du médecin ? Car « un homme en bonne santé est un malade qui s’ignore », disait déjà le bon docteur Knock…

Certes, le dépistage comporte quelques avantages séduisants :

 Premièrement, il n’y a pas d’efforts à faire ;

 Deuxièmement, ce sont les professionnels qui s’en occupent ;

 Troisièmement, c’est scientifique et donc rassurant ;

 Quatrièmement, ça ne coûte pratiquement rien à la personne car c’est pris en charge par la société ;

 Cinquièmement, enfin, la technologie est devenue tellement sophistiquée qu’on peut identifier des anomalies microscopiques. Par exemple, un milliardième de gramme par millilitre de sang.

Résultat : on fait des tests à répétition dans l’espoir de dépister des maladies avant même qu’elles n’évoluent. Et comme les maladies peuvent évoluer à tout moment, on peut se demander à quelle fréquence il faut dépister ? Tous les cinq ans ? Chaque année ? Tous les six mois ? À partir de quel âge ? À cinquante ans ? À quarante ? À trente ? Pourquoi pas à vingt ? Ou chaque jour pour toutes les maladies ? Dernièrement, une étude du Centre fédéral d’expertise des soins de santé belge dévoilait dans un rapport que les tests de dépistage du cancer de la prostate ne sont pas justifiés…

« Le dépistage peut donner des résultats pour les cancers qui évoluent lentement, ou qui n’évolueront jamais. »

Dépister le cancer de la prostate ?
Pour quoi faire ?

En Belgique, au-delà de cinquante ans, un homme sur quatre est « dépisté ». À l’échelle du pays, cela représente, chaque année, plus d’un million de tests parfaitement inutiles. Bien sûr, la chose ne serait pas trop grave si ces tests n’imposaient pas des examens complémentaires, des biopsies et des traitements parfois agressifs et mutilants ! Sans parler des effets secondaires fâcheux comme l’impuissance ou l’incontinence, par exemple.

Autre chose : plus de la moitié des hommes de soixante ans sont porteurs de cancers microscopiques de la prostate. Mais la plupart d’entre eux mourront d’une autre cause ! Il s’agit de maladies potentiellement mortelles pour une petite minorité d’entre eux seulement. Le test PSA de la prostate – antigène spécifique de la prostate, outre son manque de fiabilité, n’est pas capable de distinguer les tumeurs agressives de celles qui n’évolueront jamais. À quatre-vingts ans, 80 % des sujets présentent des lésions histologiques au niveau de la prostate. À cinquante ans, cette proportion est de 40 %, mais moins de 10 % d’entre elles deviendront symptomatiques – occasionnant, par exemple, des problèmes pour uriner – et seuls 2 à 3 % des hommes concernés mourront de leur cancer. Ainsi une personne qui présente un taux de PSA de 0,9, à l’âge de cinquante ans, a un risque de voir apparaître un cancer de la prostate dans les cinq ans qui est inférieur à 1 % ! Or le taux « normal » de PSA se situe entre 0 et 4 ng/ml. Un taux de 4 à 10 ng/ml peut faire suspecter un cancer, avec tout ce que cela suppose comme angoisses et comme traitements…

Après intervention, 70 % et plus des hommes sont impuissants et environ un sur trois aura affaire à une incontinence urinaire… En réalité, un PSA anormalement élevé ne signifie pas nécessairement qu’il y a risque de cancer. Cette valeur augmente lors de n’importe quel processus pathologique touchant la prostate, mais aussi, par exemple, après un trajet de cent kilomètres à vélo ! Le dépistage peut donc donner des résultats pour les cancers qui évoluent lentement, ou qui n’évolueront jamais. Les cancers agressifs à croissance rapide sont très difficiles à détecter et ce sont les plus dangereux. Dans le dernier quart de siècle, on a diagnostiqué un cancer de la prostate chez environ un million d’hommes, mais cela n’a pas eu d’impact sur le nombre des décès. Une étude réalisée aux États-Unis a montré que les hommes diagnostiqués d’un petit cancer de la prostate et qui s’en sont tenus à l’observation, ont la même durée de vie que les autres hommes du même âge… qui n’ont pas ce cancer ! Gilbert Welch, professeur au département de médecine interne de Dartmouth aux USA, déclare même que « pour l’instant, il est manifeste que l’effet principal de ce dépistage, comme utilisé jusqu’à maintenant, est de rendre les hommes malades. »

Plus on cherche, plus on trouve !

Lors d’autopsies, on retrouve souvent des cancers ignorés et qui ne se sont jamais développés. Le dépistage, en réalité, permet de découvrir une série de cancers débutants dont certains sont des pseudo-maladies. L’inconvénient majeur du dépistage est donc de détecter des cancers… qu’il vaudrait mieux ignorer ! Plus les anomalies sont réduites, plus le diagnostic est difficile. Or les limites de détection deviennent de plus en plus performantes ; plus on cherche, plus on trouve !

Une femme qui suit scrupuleusement les recommandations concernant le dépistage du cancer du sein et du col de l’utérus a une chance sur deux d’avoir un résultat positif pendant sa vie. Le choc psychologique d’une telle annonce est très important et les examens complémentaires peuvent s’avérer traumatisants. La forme précoce du cancer du sein, qu’on détecte le plus souvent avec la mammographie, est le DCIS, le cancer d’un canalicule, qui est presque toujours traité par chirurgie ou par radiations. Or, dans deux études, on a pu remarquer que la plupart des femmes – 75 % et 89 %, même non traitées, ne développent pas de cancer envahissant du sein. Depuis vingt ans, la détection de ce cancer n’a pas réduit le nombre de cancers envahissants du sein, et le diagnostic de DCIS ne semble pas avoir d’effets sur l’espérance de vie des femmes. Pour Gilbert Welch, il s’agissait donc de pseudo-maladies.

Dans un essai au hasard – le plus fiable ! – effectué sur neuf mille fumeurs, la moitié d’entre eux ont passé une radiographie pulmonaire tous les quatre mois ; l’autre moitié n’a subi aucun examen. Le nombre de personnes décédées du cancer du poumon fut absolument identique dans les deux groupes ! On avait pourtant diagnostiqué 29 % de cancer en plus dans le groupe radiographié…

En Finlande, on a découvert, lors d’autopsies, que plus d’un tiers des patients avaient développé, de leur vivant, un cancer de la thyroïde non détecté. Compte tenu du nombre de petits cancers qu’ils avaient détectés et de ceux qu’ils avaient ratés, les experts ont constaté que – virtuellement – tout le monde aurait eu un cancer de la thyroïde…