Apipuncture, véritable don d’amour…
L’homme a longtemps cru qu’il était un animal comme un autre et faisait partie de la Nature. Mais son intelligence et son ego se sont développés, et l’ont peu à peu convaincu qu’il était le centre du monde. Dès ce moment, il n’a eu de cesse de chercher à dominer les êtres et les choses qui l’entouraient…
Il a classé les autres espèces en deux catégories : les « amies », parce qu’elles lui étaient utiles, et les « ennemies », qu’il fallait exterminer parce qu’elles le menaçaient. Du moins, le croyait-il.
Venin thérapeutique
En dépit de leur taille ridicule, les « insectes » ont, bien sûr, toujours fait partie de la seconde, notamment ceux qui piquent : scorpions, araignées, frelons, moustiques, guêpes, abeilles…
Il est donc compréhensible que les premiers hommes qui ont eu l’idée saugrenue d’utiliser le venin d’abeille comme médicament ont probablement été considérés comme des fous.
Ce qui est beaucoup moins compréhensible aujourd’hui, avec toute l’expérience et le recul que nous avons, c’est que la médecine moderne continue de dénier ce qu’elle doit à la médecine traditionnelle, et qu’elle lui refuse le moindre rôle thérapeutique, même en tant qu’alliée.
Notre propos n’est pas de réfuter les progrès accomplis grâce à la chimie au cours des deux derniers siècles. Il consiste à rappeler que, si l’espèce humaine a survécu et résisté à autant de catastrophes sanitaires au fil du temps, c’est parce que la Nature nous avait généreusement fourni de quoi nous soigner de manière très efficace.
Technique ancestrale
Face aux limites, à la dangerosité et quelquefois à l’impuissance des médicaments chimiques, la thérapie au venin d’abeille, qui a largement fait ses preuves, offre des solutions alternatives efficaces grâce auxquelles un certain nombre de pathologies peuvent enfin être soulagées, pour un coût très faible.
L’utilisation médicinale du venin remonte à l’Antiquité. Hippocrate, Celse et Galien lui attribuaient déjà des propriétés curatives contre les rhumatismes. Tout au long de l’Histoire, on retrouve des évidences de son efficacité thérapeutique, les exemples les plus connus étant ceux d’Ivan le Terrible et Charlemagne qui s’en servaient pour lutter contre la goutte et les rhumatismes, mais c’est vers la fin du 19e siècle que Philip Terc, un médecin tchèque, apiculteur amateur, lui-même rhumatisant, a constaté que ses douleurs diminuaient proportionnellement aux piqûres qu’il recevait. Il décida alors d’étudier l’activité de ce produit de manière scientifique, et observa que, sur près de mille malades, plus de 80% des résultats étaient satisfaisants.
Au début du vingtième siècle, aux états-Unis cette fois, Charles Mraz commença à traiter des patients par cette même thérapie. Pendant plus de soixante ans, il acquit la conviction que les centaines de patients qu’il suivit n’avaient pas été guéris par le simple effet placebo, mais bien par l’efficacité du produit lui-même. Aujourd’hui aux USA, c’est plus de 40 000 patients qui, chaque année, reçoivent des piqûres.
Paracelse, médecin et alchimiste suisse du 16e siècle, l’a clairement enseigné : « Toute substance est à la fois poison et médicament ; tout dépend de la dose administrée ».
Entre humilité et brutalité
Aujourd’hui, certains thérapeutes, qui veulent « respecter la vie », préfèrent utiliser des ampoules de venin plutôt que des abeilles vivantes, arguant le fait que c’est beaucoup moins barbare. Il est évident que chaque piqûre engendre la mort d’une abeille, tout comme crie chaque salade quand nous la coupons.
Nous pouvons avoir un sentiment de culpabilité ou considérer que nous honorons l’abeille pour ce qu’elle nous donne. Tout ne dépend-il pas du support sur lequel nous pratiquons nos actes ?
Produire de l’apitoxine, même avec les nouvelles membranes utilisées, est une pratique peut-être plus barbare que de se servir de l’abeille elle-même. En effet, il s’agit de présenter devant la ruche une plaque électrifiée où nos belles vont, à cause de l’action mécanique déclenchée par le courant électrique transmis à leurs pattes, piquer une membrane (type latex) tendue. Elles déversent leur venin de l’autre côté de celle-ci sur une vitre, sur laquelle la sécrétion va se déposer. Une fois séché, le venin va être gratté. C’est cette poudre qui va servir de base à la fabrication de cette apitoxine.
Cette opération n’est absolument pas anodine pour la colonie. En effet, même si, théoriquement, les abeilles ne perdent pas leur dard, dans la réalité, un tiers au moins reste accroché. De plus, cette odeur spécifique de venin déclenche une réaction en chaîne chez les abeilles qui deviennent très agressives, voire hystériques, et attaquent tout aux alentours.
Les professionnels qui récoltent sont camisolés à l’extrême, car c’est par milliers que les insectes vont les agresser et donc mourir. La perte réelle est donc bien plus grande que les vingt à trente insectes utilisés par séance.
Pour mémoire, il naît chaque jour, en saison, entre mille cinq cents et deux mille abeilles dans une ruche. La colonie ne souffre donc pas d’une préhension de quelques dizaines d’individus. Par contre, trois jours après le prélèvement par l’électricité du venin, nos belles sont toujours aussi agressives et déroutées. Un stress qui ne s’estompera qu’au bout d’une semaine au moins.
De plus, le produit final aura perdu beaucoup d’éléments, en particulier ses huiles essentielles, parties non négligeables sur le plan thérapeutique.
Un grand respect pour nos butineuses
Comme nous pouvons le constater, aucun système n’est parfait. Par contre, il est facilement observable que l’ensemble des patients traités avec le venin sont reconnaissants et, de plus, deviennent très respectueux des abeilles. Le message que toutes ces personnes transmettent autour d’elles est bien plus beau et grand que la simple querelle sur la mort de l’insecte. Le respect, voilà un des mots-clés pour notre projet de vie. Il prend tout son sens dans cette union créée entre le patient et ce baiser d’abeille qui n’est autre qu’un don d’amour.
Professeur Roch Domerego
Naturopathe – Apiculteur
www.rochdomerego.com