Eau. Sel. Farine= du Pain?
Le pain, un aliment sacré, devenu la cible principale du mouvement gluten free, accusé à tort d’être indigeste et mauvais pour la santé,
fait son come-back, petit à petit, grâce aux boulangeries artisanales et à la revalorisation du métier de l’artisan-boulanger.
Avez-vous déjà essayé de fabriquer votre propre levain ? C’est magique !
Dans le livre « Mange, prie, aime », d’Elisabeth Gilbert, l’autrice résume son séjour gourmand à Rome en une phrase : « Les douze kilos les plus heureux de ma vie. » Pour les amoureux inconditionnels de la bonne nourriture, celle qui nous fait vivre une expérience ou qui nous rassemble autour d’une table avec nos proches, il est impensable de condamner un aliment.
C’est pourtant ce qui se passe actuellement avec le pain.
Cet aliment, extrêmement ancré dans les traditions de tous les peuples à travers le monde, est diabolisé. Parce qu’il fait grossir. Parce qu’il contient du gluten.
Parce qu’il est trop salé et trop sucré. Pour comprendre le pain,
il faut connaître son histoire et comment l’industrie
agro-alimentaire a transformé la nourriture la plus traditionnelle au monde en quelque chose d’indigeste et néfaste pour la santé de l’homme et de l’environnement.
Dans un autre livre, celui du journaliste reconverti boulanger Adriano Farano, Je ne mangerai pas de ce pain-là, il dévoile les résultats, assez bouleversants, de son enquête menée sur le pain pendant 3 ans. 99 % du pain qui sort du four des quelque 30 000 « artisans » boulangers en France est indigeste, à l’indice glycémique très élevé (plus que le soda le plus bu dans le monde), trop salé et bourré d’additifs.
C’est le cas de le dire – on a du mal à digérer cette information. C’est un problème urgent de santé publique !
Une histoire de blé
Si vous allez dans un bar à vin et que vous demandez au sommelier le cépage du vin que vous êtes en train de déguster, il sera en mesure de vous répondre. Pourquoi alors ne pas s’intéresser à la variété de blé à l’origine de la farine qui a servi à fabriquer le pain que vous achetez ? Les boulangeries artisanales, les vraies, travaillent avec des blés anciens ou « vielles ». Il existe les variétés sauvages, qui ont été consommées par l’homme bien avant la domestication des céréales ; des variétés anciennes comme le petit épeautre et des variétés appelées « vielles » où le blé perd la coque qui l’enveloppe et devient plus facile à décortiquer.
Pour améliorer le rendement, toujours dans un souci de plus de productivité et une baisse de coûts, au détriment de la qualité, les variétés de blé modernes, croisement entre différentes sortes, sont nées il y a une centaine d’années. Leur teneur en protéines est plus faible, alors que leur gluten est plus tenace et donc moins digeste. L’utilisation de ce type de blé appauvrit nos sols et empoisonne notre pain.
Quant à la technique de mouture, elle a aussi toute son importance. La mouture traditionnelle à la meule de pierre a deux avantages. Premièrement, elle permet de préserver le germe de blé, riche en lipides, contrairement à la mouture industrialisée sur cylindres qui sépare le germe et le son du grain du blé. Deuxièmement, ce type de mouture permet une meilleure traçabilité – la totalité de la farine produite est récupérée sur place. C’est une garantie d’une farine sans additifs.
En dernier lieu, mais certainement pas le moins important, vient le processus de fermentation.
Avez-vous déjà essayé de fabriquer votre propre levain ?
Ce mélange d’eau et de farine dans lequel vivent plein de bactéries permet au pain de lever. Ces bactéries se nourrissent de sucres et génèrent, selon leur espèce, une fermentation lactique et/ou acétique. La première nous permet de mieux assimiler les minéraux contenus dans la farine et de bien digérer le pain. Les deux types de fermentation jouent sur les notes aromatiques du pain et lui donnent cet arrière-goût typiquement acidulé.
Le hic avec ce type de fermentation, c’est qu’il est très long – jusqu’à 24 h pour sortir un pain. C’est comme ça qu’à partir du XVIIe siècle on a mélangé le levain à la levure de bière. C’est au siècle suivant qu’on a carrément remplacé le levain par la levure de boulanger. La course contre la montre a alors commencé, pour qu’on arrive aujourd’hui à une société d’hyperconsommation.
La levée du pain a alors été accélérée au détriment de sa qualité – palette gustative très réduite, digestion difficile (à la suite de la fermentation alcoolique produite par les levures) et très mauvaise conservation. Ajoutons à cela une farine moulue trop hâtivement à partir de blé mutant, et voilà le cocktail pour le pain indigeste et mauvais pour notre santé. Vous l’aurez compris – il existe un monde de différence entre le pain industrialisé qui cherche une rentabilité avant tout et le coût le plus bas, et le pain artisanal qui offre la qualité et le goût. Étant en lui-même un écosystème naturel de micro-organismes, le levain est en effet un allié de notre système immunitaire.
La fabrication d’un pain, fait à partir de blés anciens, à la mouture traditionnelle à la meule de pierre et levé au levain, fait partie de notre capital du vivant. Si nous voulons voir un changement dans l’industrie alimentaire de demain, nous devons réapprendre à manger le pain qui vit et nous relie !