Le meilleur copain du pain: le levain
On le sait tous, il y a pain et pain. Entre la baguette blanche qui colle aux dents et le pain au levain fermenté douze heures à basse température, il n’y a aucun, mais alors vraiment aucun rapport ! Ni le goût ni l’aspect, ni les réactions de votre intestin ne laissent le moindre doute : ce n’est pas le même produit.
Pourquoi de telles différences ?
Plusieurs raisons bien sûr : les farines, les additifs, la méthode mais avant tout, le levain ! Penchons-nous sur ce magicien qui fait basculer le pain du côté de la santé. Plus qu’un ingrédient, le levain est un phénomène…
En présence d’eau et d’air, une réaction spontanée apparaît, qui semble animer la farine, crée du mouvement et des bulles.
Ce sont nos chères amies les bonnes bactéries et leurs myriades de co-micro-organismes qui s’y invitent. En une semaine, sous une température clémente, si on nourrit ce mélange d’eau et de farine avec… de l’eau et de la farine, on voit apparaître le « levain sauvage », le seul véritable digne de ce nom.
Vous l’aurez compris, il n’y a pas une formule chimique définie : un peu partout dans le monde, les hommes se sont nourris de céréales fermentées. Chaque village s’enorgueillit de sa recette.
« Chaque levain possède sa propre histoire, et tous les micro-organismes compatibles rencontrés au cours de sa vie vont venir enrichir sa carte d’identité, qu’ils soient contenus dans la farine, flottant dans l’air ambiant ou présents sur les mains du boulanger »
D’un petit hameau isolé dans les montagnes arméniennes à une grande capitale urbaine, on trouvera du levain ainsi que sa recette et la céréale qui lui correspondent. Un levain ancien, transmis de nombreuses fois et ayant visité différents environnements sera plus résilient et plus vigoureux qu’un levain tout frais fabriqué en dix jours dans votre cuisine à partir d’un même paquet de farine. Un peu comme nous finalement : voyages et rencontres enrichissent l’être !
Comme tout être vivant, un beau levain a besoin d’amour pour pouvoir donner le meilleur de lui-même.
Ne riez pas, ce que je veux souligner par-là, c’est qu’il sera en pleine forme si vous prêtez attention à lui, de manière à le nourrir régulièrement, le protéger de trop grandes variations de températures ou de la proximité physique d’agents de fermentation avec lesquels il ne s’entend pas bien, comme une mère de kombucha, par exemple.
Adopter un levain est un geste qui en vaut vraiment la peine.
La réalisation de son pain maison est un jeu d’enfant, quasiment impossible à rater et ne prend que très peu de temps. Le tout est d’être bien organisé pour être présent au bon moment.
Pourquoi ne pas suivre un atelier afin de bien tout comprendre avant de se lancer ?1
Et en attendant l’autonomie, de plus en plus d’excellentes boulangeries artisanales proposent des pains de qualité préparés au levain et avec des farines spéciales. Car oui, en plus d’avoir été la base de l’alimentation quotidienne de nos ancêtres, un bon pain au levain sauvage, conçu à partir de farines anciennes, biologiques, complètes et moulues sur meule, est un aliment santé ! Qui dit fermentation pense prédigestion. Les enzymes présentes, dont les protéases et les phytases, scindent les longues chaines moléculaires et nous servent un paquet de nutriments fraîchement créés.
Les farines complètes sont accusées, à raison, de contenir des pesticides dans leur son si elles ne sont pas biologiques et des anti-nutriments, comme l’acide phytique, dans le meilleur des cas.
« Or à cause du son, les farines grises contiennent beaucoup d’acide phytique qui a la particularité de se combiner au calcium et au fer pour donner des sels insolubles. Seule l’acidité engendrée par le levain permet de décomposer l’acide phytique, laissant ainsi disponible le calcium et le fer. »2
Il en va de même pour les autres minéraux présents, tels le magnésium et le zinc. On passe donc ici d’un aliment contenant des substances nocives et peu de nutriments biodisponibles à totalement l’inverse. Cette bascule s’opère à partir d’un temps de fermentation de plus ou moins huit heures.3
Plus lente sera la fermentation, plus les bactéries auront du temps pour décomposer le réseau glutineux qui se forme naturellement dès que la farine entre en contact avec l’eau et l’air. Voilà qui est très utile pour de nombreux intestins irrités.
L’index glycémique chute considérablement pour diverses raisons qui ne sont pas encore toutes bien explorées, mais le fait est là. On peut notamment évoquer les acides lactiques qui ralentissent l’absorption de l’amidon. La texture, plus ferme, stimule la mastication et donc la salivation. Les enzymes amylases présentes dans la salive opèrent une importante part de la digestion des sucres.
Les divers acides organiques produits au cours du processus se transforment en composés aromatiques variés au moment de la cuisson, ce qui ne gâche rien et motive le palais à choisir préférentiellement un pain qui est plus digeste…
La nature est bien faite !
1) Les ateliers de l’Annexe-Boulangerie FB : l’annexe-boulangerie
(2) DOGNA, M., Prenez en main votre santé, Ed. Gui Trédaniel 2001, p.328
(3) MAGNETTE, P., Le chant du pain, Ed. Renaissance du livre, 2019, p.8